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03 décembre 2025

Eaux & polluants éternels : TFA, la sensation PFAS de la fin 2025 

La peur n’évite pas le danger, le silence non plus. Dans un contexte de "pénurie documentaire" sur le phénomène, un nouvel épisode update l’histoire, pour le moins anxiogène, de la contamination des eaux par – entre autres – les polluants éternels. Alors que la Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine  a confié une liste de vingt PFAS (molécules à chaîne carbonée fluorée / composés per- et polyfluoroalkylés) à la surveillance des Etats membres de l’Union européenne, le nouveau rapport de l’ANSES dévoilé ce 3 décembre 2025, est de nature à interpeler les parlementaires européens et avec eux, tout l’appareil de production de la règle.

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L’ANSES est allé bien au-delà de la "liste des 20". 35 au menu de sa campagne de mesures (laquelle a couru de 2023 à 2025), et une agence qui rappelle sa méthode : "Plus de 600 échantillons d’eau brute et autant d’eau distribuée ont été analysés, soit deux fois plus que lors des campagnes précédentes. Les échantillons proviennent de points de captage représentant au total environ 20 % de l’eau distribuée en France. Deux tiers des prélèvements ont été faits au niveau de points pour lesquels un risque potentiel de contamination par les PFAS était identifié par les Agences régionales de santé (ARS)."

Un commentaire porté par l’ANSES à l’attention du public vise un PFAS ne figurant pas sur la liste "des 20" de la Directive. L’un des polluants éternels les plus notablement retrouvés dans la campagne d’analyses venant au soutien de sa dernière étude est en effet l’acide trifluoroacétique (TFA), issu de la dégradation de pesticides PFAS et de certains gaz fluorés. Les pluies le transportent. Promis donc à rejoindre le rang des molécules célèbres, le TFA n’est pas dans la liste des PFAS à surveiller à partir de janvier 2026, ce qui ne l’empêche absolument pas de se retrouver – à des niveaux majoritairement situés sous les "normales de saison" (comprenez : seuils de la directive) – dans les récipients des analyses des eaux brutes et eaux du robinet réalisées pour l’étude.  Le voici « détecté dans 92 % des prélèvements d’eau distribuée comme d’eau brute », nous dit l’ANSES ce 3 décembre 2025, tout en rappelant que "les PFAS inclus dans la Directive sont de bons indicateurs de la présence de PFAS conventionnels », à savoir « ceux composés de chaînes de plus de trois atomes de carbone."

L’oreille du public, elle, pourrait entendre plus fort le message de la présence de polluants que celui d’une barrière réglementaire censée déclencher la batterie de précautions sanitaires. Elle ne pourra rester sourde, non plus, aux conséquences au long cours de la démultiplication des cibles des contrôles de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Pour peu que l’Europe entende remonter le bruit des angoisses collectives, les textes européens évolueront toujours plus vite que les PFAS ne se dégradent dans l’environnement… ce qui aura pour conséquence, mécaniquement, l’extension des listes de polluants à contrôler. Des conséquences sont à craindre sur le porte-monnaie, et nous parlerons de la santé plus tard.

Une évolution du plan pérenne de surveillance de l’eau semble peu évitable, et la récente Loi du 27 février 2025 visant à protéger la population des substances PFAS n’est qu’un jalon sur la longue route contre la dégradation des eaux engendrée par les activités humaines. Pour l’heure : interdiction progressive de certains usages à partir de 2026, obligation de contrôle renforcé des eaux destinées à la consommation humaine et principe pollueur‑payeur appliqué aux rejets industriels… Les restrictions feront à coup sûr le menu des futurs jalons, promesses de nouvelles problématiques et recherches d’alternatives pour certains secteurs de l’industrie ; mais sans doute at aussi, de nouvelles interrogations sur l’efficacité du droit. Le principe pollueur-payeur n’a pas fini d’en voir de toutes les couleurs, et les collectivités responsables peuvent se projeter sur une augmentation des coûts liés au traitement de l’eau et un devoir nouveau de pédagogie vis-à-vis des consommateurs de la ressource.  

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Communiqué de l'ANSES : https://www.anses.fr/fr/content/pfas-les-resultats-de-la-campagne-nationale-de-mesure-dans-leau-destinee-la-consommation
Rapport ANSES | octobre 2025 (PDF)

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